[2] Drogues. Savoir plus, risquer moins. Drogues et dépendances, le livre d’information. Paris : MILDT, 2000.
[3] Il est maintenant usuel de distinguer en terme de prévention, trois modalités, une prévention dite primaire, une prévention dite secondaire et une prévention dite tertiaire. Ces modalités se déterminant selon un axe paradigmatique temporel relatif au point de rencontre entre le moment d’intervention préventif et le danger contre lequel ce moment se pose, avant qu’il n’advienne (primaire), pendant (secondaire) quand il est déjà là, ou après (tertiaire) pour en limiter les effets.
[4] La notion de prévention quaternaire ne reprend pas à son compte ce paradigme chronologique et se base sur un autre paradigme, permettant un positionnement autocritique. Ce paradigme étant celui qui consacre la notion de relation (relation intersubjectives entre préventologue et bénéficiaire et intra-subjectives entre les représentations que chacun des protagonistes se fait, respectivement du danger à prévenir et de son rapport à ce même danger.
Jamoulle M. [Computer and Computerisation in General Practice] « Information et Informatisation en médecine générale » in : Les Informag-iciens. : Presses Universitaires de Namur ; 1986 :193-209.
[5] C’est-à-dire tel qu’il se définit essentiellement en rapport en ce qu’en définit la loi commune.
[6] Article…du code mondial antidopage….
[7] C’est en effet, en terme d’ « intention » que P.Laure s’exprime.
[8] Ce qui ne veut pas tant dire que de nouveaux champs d’interdiction ne puissent pas apparaître dans l’avenir…
[9] « Dopante » : adjectif verbal construit à partir du participe présent « dopant » issu du verbe « doper ».
[10] Selon la thèse du Docteur Francis Heckel, médecin du sport dans les années 1920, précéderait à la notion de dopage, celle de « doping to lose » (littéralement : le dopage pour perdre) : « Autrefois, en Angleterre, le verbe « to dope » signifiait abrutir un matelot par quelques lampées massives de gin dans les cabarets des ports de mer jusqu’à le mettre dans un état d’inconscience suffisant pour qu’il signe son embarquement. » Cette pratique, somme toute, d’ « empoisonnement », se serait exportée sur le terrain sportif, dans les courses hippiques. Francis Heckel rapporte l’histoire d’un lad d’écurie qui « abrutissait le cheval de l’écurie concurrente en lui injectant subrepticement sous la peau un doping néfaste ». Le doping. HECKEL. F. L’Escrime et le Tir, 1927.
Position critique sur la notion de conduite dopante
La notion, maintenant devenue traditionnelle, de conduite dopante, doping behaviour en anglais, fut proposée en 1997[1] par Patrick Laure, médecin de santé publique Français.
Depuis 2000, sur le plan national, cette notion a été largement utilisée lors de la campagne de prévention de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT) « Drogues. Savoir plus, risquer moins »[2]
Aujourd’hui, cette notion est très répandue dans le champ de la prévention des consommations de substances, notamment auprès des sportifs, des étudiants et dans les entreprises et parait indispensable à la prévention du dopage proprement dit.
Mais n’y aurait-il pas là, dans le biais de cette conception qui ne distingue pas entre le dopage – qui, selon sa définition originelle, ne cible que le champ sportif – et les conduites de consommation de substance pour une quelconque performance, sportive ou non, et qui brasse ainsi tout public en une prévention qui se veut primaire[3], une erreur ?
Une erreur que la prévention quaternaire[4] nous révèlerait ? – prévention qui interroge son intention prophylactique en tentant de répondre de ce premier principe «primum non nocere» (d’abord ne pas nuire).
Définition traditionnelle de la notion de conduite dopante
Qu’est-ce donc qu’une conduite dopante selon cette conception, conception que nous pourrions considérée maintenant comme traditionnelle ?
Une conduite dopante serait une consommation de substance à des fins de performance.
Plus précisément, selon la définition de P. Laure : « une conduite dopante se définit par la consommation d’un produit pour affronter ou pour surmonter un obstacle réel ou ressenti par l’usager ou par son entourage dans un but de performance ».
Dans cette définition, la notion de « consommation » se détermine en terme d’usage – consommation sans préjudice sanitaire, ni social, d’abus – avec préjudice sanitaire ou social – ou de dépendance – difficulté à s’abstenir volontairement de la substance, avec dommage sanitaire ou social.
Nous remarquerons que cette conception s’aligne très précisément sur la catégorisation classique, quoique résumée, du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM IV) ou de la Classification internationale des maladies (CIM 10), concernant la clinique des toxicomanies et de la dépendance.
Mais peut-on s’autoriser ainsi à rabattre la conduite dopante, qui relève, comme sa formulation l’indique, d’une conduite, sur celle d’une maladie caractérisée par la dépendance, l’addiction à une consommation ?
Si P. Laure cherche à s’affranchir du produit pour apprécier la conduite dopante comme processus, c’est tout compte fait pour en réduire d’avantage encore la problématique à un trouble psychiatrique de consommation et en décliner les variations selon finalement une simple mesure très quantitative distinguant l’usage, de l’abus, de la dépendance et en appliquant cette grille de lecture à toute consommation de produit.
Cet affranchissement n’est donc que de surface, car si la spécificité du produit n’importe plus, c’est sa dose ou sa fréquence, c’est-à-dire sa posologie qui ferait toute la différence qualitative pour expliquer le dopage comme processus.
Rien d’étonnant donc que cette définition ne puisse se passer du terme de « substance » qui, dans cette définition, serait un complément alimentaire, un médicament ou un stupéfiant, et rien de surprenant qu’elle ne fasse aucune place à d’autres méthodes dopantes, dans la substantivation du participe présent du verbe « doper » que consacre la formulation de cette notion.
Le mot « obstacle » renverrait à toute situation jugée problématique, comme un examen scolaire, un entretien d’embauche, devoir comparaître en public, faire des heures supplémentaires de travail, etc. Cet obstacle pourrait-être réel, objectif, ou ressenti, perçu, vécu comme tel par la personne directement concernée ou par son entourage. Dans ce dernier cas, il s’agirait alors d’une conduite dopante par procuration (parents, conjoints…)
Enfin le terme de « performance » serait à entendre dans cette définition comme finalité de la conduite dopante. Elle pourrait être tout aussi physique qu’intellectuelle, et ne se limiterait pas au record, elle pourrait ainsi concerner toute réalisation humaine en situation ordinaire. Nous pourrions remarquer que le mot « but » conviendrait alors tout aussi bien, et nous demander si ce n’est ce pas ainsi galvauder un terme qui recèle quand même son importance ?
Au regard de cette définition de la conduite dopante, le dopage serait, pour conclure sur cette conception, une conduite dopante particulière dans la mesure où, le dopage lui, ne concernerait qu’une part de la population générale (les sportifs), qu’une part de l’ensemble des substances existantes, celles qui figurent sur la liste de substances interdites par l’Agence mondiale antidopage, et parce qu’il ferait l’objet d’une règlementation à part qui l’interdit.
Or, nous verrons que cette relation d’inclusion du dopage dans les conduites dopantes, ou plutôt des conduites dites dopantes, qui seraient plus générales, faisant du dopage une conduite dopante particulière, mais conduite dopante tout de même au nom précisément d’un processus commun tel que nous en avons rendu compte, phagocyte la spécificité du dopage comme conduite précisément.
Essai pour un renouvellement conceptuel de la notion de conduite dopante
Nous pensons que la notion de conduite dopante telle que définie précédemment, c’est-à-dire, telle qu’elle relèverait d’un processus commun au dopage, se déclinant selon la clinique de la dépendance, est une notion contre-productive dans la prévention du dopage en tant que tel[5], c’est-à-dire en tant qu’elle s’adresse d’abord au sujet sportif. Si son intérêt est d’engendrer un mouvement de suspension de la réflexion, un mouvement de vigilance que se doit un sujet en tant que sportif, dans ses consommations[6], c’est aussi très vite en tant que sportif que ce sujet se trouve immanquablement au travers de cette notion molle de conduite dopante, accusé et coupable, dés lors qu’en tant qu’humain, il consomme, s’alimente et se restaure non sans sa dimension psychique.
Et oui, le sportif, à l’instar de tout homme, contrairement à l’amibe ne consomme pas sans cervelle. Comment pourrait-il en tant que sportif consommer en se coupant de sa vie psychique et intentionnelle[7], de ses aspirations et de son désir de performance. Du coup plutôt que de s’en prendre au sujet sportif directement, c’est in fine la notion de performance en elle-même, qui devient dans la conception traditionnelle de conduite dopante, la bête à abattre. Ce qui reste inconcevable tout au moins et justement pour le sujet sportif.
Non, la prévention du dopage ne peut se confondre avec un évitement de la situation sportive et encore moins avec un désinvestissement de la recherche de performance, car ce serait comme le dit l’expression populaire « jeter le bébé avec l’eau du bain ».
Si la notion traditionnelle de conduite dopante, qui réinterroge fondamentalement les limites du dopage, a pu apparaître heuristique sur le plan de la recherche fondamentale, cette notion reste absolument inappropriée dés lors qu’elle est intégrée à une communication de prévention du dopage, notamment parce que ce qui est questionnement légitime du chercheur devient en réalité déni des limites symboliques (cf. la liste des produits dopants) qui sont appliquées sur le terrain sportif, ouvrant ainsi sur le plan représentationnel (conscient ou inconscient) à une sorte de permissivité perverse pour le sujet sportif « je sais bien (que c’est interdit) mais quand même… ».
Autrement dit, dans le renouvellement conceptuel que nous proposons, il n’y aurait finalement de conduite dopante que de dopage. Si une conduite n’est pas du dopage, si une conduite ne trahie par la législation antidopage, alors elle ne peut – (ou ne doit) – être qualifiée de conduite dopante. Ce qui ne signifie pas que telle conduite de consommation pour affronter une épreuve de la vie soit une bonne conduite ! Il s’agit de dénoncer la qualification de « dopante » d’une telle conduite hors d’un champ où ne sévit pas l’interdit[8], car nous voyons bien que ce que tente d’importer, à partir du terme dopage, cette expression de conduite dopante, est le caractère préjudiciable imputable aux conduites ainsi désignées, à tord. De telles conduites, en effet, peuvent être de mauvaises conduites, de mauvaises conduites de préparation physique et mentale – de surentrainement -, diététiques, alimentaires, de santé, en somme de mauvaises conduites, s’opposant donc à l’authentique performance. Mais pourquoi user du signifiant « dopantes »[9] pour qualifier des conduites inadaptées, inappropriées, dangereuses, mais qui ne sont pas du dopage ?
Pourquoi cette connotation[10] ?
Du reste nommer des conduites, notamment considérées négatives, par leur juste qualification représente le premier pas sur le chemin de leur annihilation, – ne devons-nous pas, de prime abord, identifier ce contre quoi on lutte ? – et au fond autant de pistes de travail pour repérer les alternatives d’optimisation de la performance sportive parant, contrevenant au vrai Dopage.
En revanche, dans cette nouvelle conception des conduites dopantes qui respecte la définition juridique du dopage, tout dopage ne serait pas nécessairement une conduite dopante. Le terme de conduite importe étymologiquement l’idée de décision (« duire », duce, duc, caput, tête, chef) et donc d’un comportement impliquant des processus psychiques élaborés et des représentations conscientes. Certaines formes de dopage sont plutôt relatives à une négligence de certaines conduites comme notamment celles de se tenir suffisamment informé et de réserver une attention particulière à sa consommation conformément à son statut de sportif. Une part conséquente du Dopage relève donc, non pas tant de la notion de conduite, mais bien plutôt d’une anti-conduite, d’une absence, d’un manque de conduite, d’un manque d’intégration, d’appropriation de conduites sportives, déterminé par un défaut d’identisation du sujet sportif, d’éducation au sport.
S’il s’agissait de réhabiliter la notion de conduite dopante hors de l’enceinte sportive, ce serait alors, en en élargissant métaphoriquement la définition juridique du dopage et à la condition sine qua non, d’en reprendre le sens fondamental pour désigner : un comportement en partie conscient, articulé aux représentations du rapport interdit/transgression, visant à améliorer les performances de toutes activités formalisées, standardisées, mesurables, comparables, dans un but de classement compétitif duquel dépend un quelconque intérêt pour les participants, en utilisant tous moyens autres que l’activité proprement dite (sportives ou non sportives, donc) et répertoriés comme interdits (pharmacologiques et autres méthodes…).
Ces conduites dopantes telles que définies précédemment comme conduite de dopage seraient établies comme illicites, parce que considérées comme engendrant des conditions compétitives non équitables entre les participants et/ou parce que nuisibles pour la santé, et ce seraient aux différentes institutions en charge de l’organisation réglementaire des conditions de participations de définir les limites de leurs dopages respectifs. Ces conduites qui ne seraient pas « tant dopantes » que de dopage (il n’est pas dit qu’une conduite de dopage soit réellement dopante) relèveraient donc d’un Dopage caractérisé en chacun des lieux compétitifs envisagés (concours d’entré, professionnels, examens universitaires…).
En ce sens il n’y aurait plus de pléonasme à parler de dopage sportif…
Excellent
Tout à fait d’accord avec toi